Deux « master classes » exceptionnelles avec l’historien Christian Ingrao

Le jeudi 27 janvier 2027, à l’initiative de M. Ferrradou, Christian Ingrao, historien spécialiste du nazisme mondialement reconnu, directeur de recherches au CNRS, nous a fait l’amitié de proposer deux « master classes » aux élèves du lycée Jean-Monnet. Retour sur ce moment exceptionnel en images.

De retour à Jean-Monnet après être venu en 2017 pour présenter son ouvrage La Promesse de l’Est, Christian Ingrao a proposé une première « master class » destinée aux élèves de Terminale suivant la spécialité HGGSP (histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques).

Ces derniers ont en effet, dans le cadre de leur programme, étudié la guerre et ses transformations depuis le XVIIe siècle. Dans ce cadre, ils ont été amenés à lire des articles de plusieurs historiens spécialistes de cette question dont Christian Ingrao pour analyser la mutation de la guerre classique ou horizontale ou clausewitzienne en guerre verticale (guerre civile) voire guerre hybride (comme la guerre en Syrie). Ils ont surtout interrogé les formes et les conséquences de la guerre sur les sociétés qui y sont confrontées.

La séance a commencé par une introduction menée par Vincent, Mathis et Sacha qui ont présenté Christian Ingrao et ses principaux ouvrages (Les Chasseurs noirs, Perrin, 2006 ; Croire et détruire, Fayard, 2010 ; La Promesse de l’Est, Seuil, 2016).

Christian Ingrao a ensuite proposé une première conférence intitulée « Présence(s) de la guerre ». Celle-ci était une réflexion sur les temporalités du XXe siècle, siècle traversé par les guerres mais de manière différente selon les régions, les sociétés, les enjeux. Il a ainsi proposé de relire le XXe siècle selon une chronologie nouvelle : 1911-1962 (de la guerre des Balkans à la guerre d’Algérie), 1962-1992 (de la fin de la guerre d’Algérie à la guerre en Yougoslavie) puis de 1992 à aujourd’hui.

Interrogeant ensuite ce que la guerre fait aux sociétés, il a expliqué qu’elle était un opérateur du social, non seulement parce qu’elle mobilise les sociétés, notamment lorsqu’elle devient guerre à outrance et/ ou guerre totale, mais parce qu’elle fabrique littéralement les sociétés (avec par exemple la militarisation de l’ordre social industriel ou politique ou la mise en place d’un ordre sanitaire avec la médecine d’urgence).

De cette saturation de l’espace social par la guerre, Christian Ingrao a ensuite montré que la présence de la guerre devenait invisible, définissant ainsi notre époque : la guerre est partout et nulle part et il devient difficile d’en marquer les limites, ce qui menace nos sociétés en leur coeur.

La conférence a donné lieu ensuite à des échanges de questions et réponses de la part des élèves.

La seconde master class était destinée aux élèves de Première et de Terminale inscrits àl’atelier DOGE (De l’Orne aux grandes écoles) qui se préparent à des cursus d’excellence dans le supérieur. Elle était intitulée « Destin(s) croisé(s) d’historiens : une histoire du XXe siècle des crimes de guerre ».

Christian Ingrao a ainsi évoqué le parcours biographique de Siegfried Engel (1909-2006), historien de formation et devenu un officier SS et criminel de guerre nazi en Italie notamment, et Carlo Gentile, un historien italien (né en 1960), ayant fait sa thèse sur les crimes de guerre commis par Engel et ayant été amené à devenir un chasseur de nazis dans le contexte de l’après-"Opérations mains propres" qui permit à la justice italienne de retrouver la trace du criminel nazi.

Ces deux destins croisés — un historien travaillant sur un autre historien devenu criminel de guerre — ont permis à Christian Ingrao de retracer non seulement le parcours qui conduit un intellectuel à devenir un SS, mais également d’évoquer l’après-Seconde Guerre mondiale en Allemagne et en Italie et le difficile travail de la justice dans un contexte de mémoires douloureuses (années de plomb en Italie et bande à Bader en Allemagne) lorsque la jeunesse, notamment de gauche, rejetait les compromis politiques de leurs parents en leur demandant des comptes sur leurs actions pendant la guerre.

Après cette conférence, les élèves ont à nouveau pu échanger de manière fructueuse avec Christian Ingrao, concluant une matinée riche et une rencontre qui a suscité l’intérêt et même éveillé des vocations...

Qu’il en soit à nouveau chaleureusement remercié !

Merci à Mme Depoilly pour les photographies.

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